The Blue World - My life with autism

A l'évocation de mon handicap, les gens ne prennent jamais ça au sérieux. Je suis autiste dit « de haut niveau », c'est à dire que je n'ai pas de retard intellectuel. En d'autres terme, mon autisme ne se voit pas, j'arrive à totalement le masquer la plupart du temps. Je suis une autiste invisible. Si bien que lorsque j'évoque mon handicap aux gens – que ce soit à des amis ou bien à des inconnus dans des situations d'urgence – la plupart du temps les gens ne prennent pas cela au sérieux. C'est à dire qu'il minimisent totalement l'impact du handicap sur mon quotidien, sur les réactions et comportements que je peux avoir, sur ce que cela implique pour moi, mais aussi pour eux.

La raison, déjà évoquée plusieurs fois ce blog est simple : dans la tête des gens un handicap invisible n'est pas un handicap. Etre autiste pourrait selon eux simplement se compenser en faisant un effort. “Ca va, fais un effort c'est stressant pour tout le monde une nouvelle situation” “Arrête de te balancer, fais un effort” “Fais un effort, on dirait que t'as 4 ans” … Comme si être autiste était tout simplement en fait... être faignant !

Pour contourner ce blocage psychologique qu'ont les gens lorsque je tente d'expliquer que le problème que je rencontre est dû à mon autisme, j'ai pris l'habitude de leur dire que je souffre d'un autre handicap. Etrange vous allez me dire, quelle idée, comment s'inventer d'autres problèmes pourrait régler plus facilement une situation ! Et pourtant... n'importe quel autre handicap et/ou maladie que l'autisme est beaucoup plus pris au sérieux par la population. Si bien que dire que je suis déficiente visuelle par exemple poussera les gens à m'aider beaucoup plus que si je leur dis que je suis autiste. Quelques exemple concrets vous éclaireront sans doute mieux.

Le fond du problème vient du fait que les gens ne connaissent pas l'autisme. Ainsi pour eux par exemple, évoquer mon autisme pour expliquer le fait que je n'entends pas ce que l'on me dit n'a rien à voir. Alors que une simple petite lecture des troubles que provoquent l'autisme permettent à n'importe qui de se rendre compte que si, au contraire, c'est totalement lié !

Ainsi, lorsque quelqu'un m'interpelle et que je n'entends pas, plutôt que de dire « excusez-moi je suis autiste, je n'entends rien », ce qui résonnerait dans la tête de la personne en face de moi comme « heeein ? Mais qu'est ce qu'elle me raconte elle me prend pour un con être autiste n'a rien à voir avec le fait de ne pas entendre », je dis plutôt « excusez moi je suis malentendante ». Immédiatement, la personne qui m'a interpellée va prendre conscience qu'il faut qu'elle fasse un effort pour poursuivre la conversation. Automatiquement, elle va parler plus lentement, en face de moi, en faisant des gestes. Ainsi, je vais pouvoir mieux gérer la conversation, pouvoir lire sur les lèvres, comprendre sans stresser car je sais que au pire, si je ne comprends pas, la personne en face ne se dira pas « puta** elle comprends que dalle elle est débile ou quoi » mais plutôt « mince, je n'arrive pas à me faire comprendre, il faut que je trouve un autre moyen ». Ainsi, ce n'est plus moi la “fautive”, la personne qui doit “faire un effort”, mais elle.

Il y en a plein des situations comme celle là. Il y a quelques temps, le chemin de que je prend habituellement pour me rendre à ma station de RER était en travaux. Le trottoir était inaccessible, et j'ai commencé à paniquer. En m'arrêtant devant le chantier, j'étais incapable de voir par où il fallait que je passe. J'ai dû rester de très longue secondes à essayer d'analyser la situation, à me demander quoi faire... mais rien n'y faisait, j'étais totalement bloquée, en panique. Un des ouvriers du chantier m'a vu, et à commencer à un peu se moquer de moi : « ben alors, passe, qu'est ce que t'attends ? » sur le ton de la rigolade. Si j'avais à ce moment précis sorti un « non mais je suis autiste alors je ne sais pas quoi faire » c'était la moquerie assurée. J'ai donc sorti la carte de l'autre handicap : « Non mais c'est parce qu'en fait, je vois pas, je suis déficiente visuelle, je ne sais pas par où passer ». Et à ce moment là, comme par magie, l'ouvrier qui 20 secondes avant se moquait de moi est venu me voir, et m'a dit « ah, viens suis moi » et m'a conduit sur l'autre bout de trottoir.

Évidement, ces petits mensonges passent mieux du fait j'ai toujours des lunettes noires pour me protéger de la lumière vu que j'y suis hypersensible, des bouchons dans mes oreilles que les gens prennent toujours pour des appareils auditifs etc. Il est donc facile pour les gens de croire que je suis effectivement malentendante ou aveugle.

Pareil lorsque je tombe littéralement de fatigue car j'ai épuisé tout mon énergie à 4h de l'après midi, et que les gens ne comprennent pas pourquoi subitement je m'assois et je m'endors sans raison (ou que je ne peux pas conduire lorsque l'on fait un voyage à plusieurs par exemple). « en fait je suis narcoleptique alors je ne peux pas controler le moment ou je m'endors, c'est très handicapant ». Et hop, immédiatement les moqueries et critiques cessent.

Quoi que je dise, un handicap ou une maladie autre sera toujours plus prise au sérieux que l'autisme. L'autisme, lorsqu'il est invisible (comme pour plus de 60% des autistes), n'est jamais considéré comme un réel handicap dans la tête des gens. Et même lorsqu'on se lance dans de grandes explication, les gens restent sceptiques sur le réel handicap qu'engendre notre autisme.

Essayez donc de ne pas mettre en doute la parole d'un autiste qui vous explique que tel ou tel comportement ou tel blocage est dû à son autisme. C'est déjà souvent très dur pour nous de pouvoir l'expliquer, une oreille attentive et compréhensive est alors plus que la bienvenue.