The Blue World - My life with autism

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Ne l'oublie pas : je suis handicapée

Je suis autiste. La plupart des gens qui me connaissent de loin ne le savent pas. La plupart de mes proches le savent, mais ont parfois tendance à vite l'oublier. Oui, je suis autiste, et ce n'est pas écrit sur mon visage. Rien ne permet de le voir en me regardant. Il n'y a aucune caractéristique physique propre à l'autisme, comme il peut y en avoir pour un paraplégique ou un trisomique. J'ai "la chance" d'avoir un autisme léger, qui n'est pas extrêmement lourd à porter au quotidien comme pour les autistes modérés à sévères. Si bien que les gens ont tendance à l'oublier. Ils ont tendance à oublier que mon autisme est un handicap. Un truc que je ne maîtrise pas.

 

“Une personne sur cent est autiste, mais ce trouble neuro-développemental n'est pas inscrit sur leur visage. C'est pourquoi les personnes avec autisme sont victimes d'une double discrimination : le rejet de la différence, et le rejet du fait que cette différence ne se voit pas”  Sophie Robert

 

 

Je n'écris pas cet article pour te blâmer, mais au contraire pour continuer d'ouvrir ton esprit à la différence. Pour que tu comprennes à quel point de simples petites phrases, que tu dis même parfois pour rigoler, peuvent en réalité me percer au plus profond de mon coeur. Dans cet article, je vais détailler quelques situations précises qui sont les plus terribles à vivre pour moi. Les petites phrases qui me donnent littéralement envie de mourir sur place.

 

 

"Fais un effort" "t'as vraiment des soucis" "t'aimes vraiment rien [manger]" "on dirait que t'as 4 ans" "tu sais tout le monde est stressé par l'inconnu" ou encore le fameux "tu sais, moi aussi je suis un peu timide". Ces petites phrases, que tu me dis, de temps en temps. Et que tout le monde dit, de temps en temps. Ce qui fait que moi, je les entends tous les jours. Plusieurs fois par jour.

 

Ne te sentirais du pas plus-que-minable, si on te répétais chaque jour ce genre de choses, alors que tu es incapable de les maîtriser ? Et même, pire que ça, alors que tu donnes toute ton énergie, chaque jour, pour essayer de compenser ces difficultés, pour tenter de les gérer au mieux malgré ton handicap ? Moi je te le dis : tu te sentirais minable. Tu n'aurais plus aucune confiance en toi, tu te sentirais triste, au plus profond de ton âme, que les gens ne voient pas les efforts que tu fournis pour être "comme eux".

 

Mon problème, comme je l'ai dit plus haut, c'est que mon autisme ne se voit pas. Mon problème, c'est que pendant toutes ces années, j'ai fait de mon mieux pour observer le monde, l'analyser, et tenter de reproduire au mieux des choses totalement abstraites pour moi. Mon problème, c'est que j'ai passé tellement de temps à peaufiner ce système, qu'il est aujourd'hui quasiment parfait. Je suis la reine de la compensation. Le problème, c'est que si j'arrive à compenser quasiment parfaitement, cela laisse une petite marge d'erreur. Cette petite marge qui fait la différence. Cette petite marge qui me fait passer pour une excentrique. Une personne "bizarre", "qui a des soucis", dont "on dirait qu'elle a 4 ans".

 

 

“Fais des efforts”

 

 

Quand tu me dis "fait un effort", cela me transperce, car je viens juste de fournir 99% de mon énergie pour tenter d'enfin réussir à faire un truc bien. Je pensais avoir réussi, mais enfaite, j'avais seulement presque réussi. Et toi, tu n'as pas vu l'effort qui m'a permis de presque réussir. Tu as seulement vu la petite marge, le petit truc qui fait que ce n'est pas réussi totalement. Du coup, paf, tu sors un "fais des efforts". Parce que pour toi, il suffit que je fasse un effort pour que le truc soit réussi à 100%. Seulement ce à quoi tu ne penses pas, c'est que si je n'avais pas fait d'effort, le truc n'aurait pas été réussi à 90%, mais seulement à 20 ou 30%. Et là, tu aurais été en droit de me le sortir, ton fais un effort. Alors, la prochaine, réfléchis un peu avant de sortir cette phrase que j'entends depuis 20 ans et qui me transperce le coeur. Car à force, je ne ferai plus d'efforts. Je commence déjà à lâcher. A quoi bon se saigner pour quelque chose que les gens ne voient pas ?

 

 

"Moi aussi, je suis un peu timide" "au final, on est tous un peu autiste par moment" "mais l'inconnu, ça fait peur à tout le monde tu sais !"

 

Tu es timides ? Ok, c'est bien. Moi en tout cas, je ne me considère pas comme timide. Je ne sais juste pas comment faire pour établir un contact avec le monde. On est tous un peu autiste ? On ne peut pas être un peu autiste, on est autiste ou ne l'est pas, ce n'est pas à la carte. L'inconnu fait peur à tout le monde ? Peut être, mais toi, es-tu obligé de prévoir tes journées quasiment à la minute près pour éviter de finir en crise d'angoisse ? Es-tu obligé d'aller repérer un endroit sur Google Maps une semaine avant quand tu y vas pour la première fois ? Vis-tu dans un monde qui t'es totalement hostile au point de vu sensoriel, comme si tu étais né dans un monde qui n'étais pas fait pour toi ? Te sens-tu comme un poisson vivant sur une montagne, à qui l'on demanderait d'aller visiter la ville ?

Si tu n'as pas compris où je voulais en venir, on va faire plus simple : tout ce que tu me reproches, tout ce que tu minimises quand je t'énonce les facettes de mon autisme, ce n'est pas quelque chose que je peux choisir. Ce n'est pas une attitude, ce n'est pas un caractère, ce ne sont pas des caprices, ce n'est pas une excuse. C'est neurologique. C'est inscrit dans mes gènes. C'est un handicap. Te viendrais t-il à l'esprit de dire à quelqu'un atteint d'Alzheimer "Oh moi aussi tu sais parfois j'oublie où je mets mes clefs !" ? Où à un sourd "T'inquiète pas, moi aussi je suis un peu dur de la feuille par moment !". Non, ça ne te viendrais pas. Pour l'autisme, c'est pareil. C'est un handicap.

Cela ne veut pas dire que sachant que je suis autiste, je ne fais aucun effort et que je sors ma carte "c'est pas ma faute je suis autiste" à chaque situation compliquée. Comme je te l'ai dit précédemment, ma vie se résume à faire des efforts pour compenser les déficits que j'ai dans à peu près tous les domaines de la vie quotidienne du fait de mon handicap. Simplement, malgré tous les efforts du monde, un handicap reste un handicap. On peut le compenser, mais pas l'annuler. Un aveugle ne pourra pas voir de quel couleur est le pull qu'il met pour savoir s'il est assorti à son pantalon. Simplement il trouvera un autre moyen de savoir si ce pull va avec ce pantalon. Par la texture, la place où il a été rangé, ou je ne sais quel autre astuce. Moi, c'est pareil. Il y a certaines chose que je ne pourrais pas faire comme toi tu les fais, mais que je pourrais faire d'une autre manière, ou substituer par autre chose, pour compenser une partie de mon handicap :)

 

J'espère que cet article t'auras fait prendre conscience à quel point des petits mots peuvent être extrêmement blessants. Le meilleur conseil que je pourrais te donner, c'est que quand une personne te parle de son handicap, ne minimise pas. Tu ne sais pas à quel point sa vie est un combat, même si ça ne se voit pas. Car la vraie injustice, ce n'est pas de naître avec un handicap. La vraie injustice, c'est le fait que la société n'accepte pas ce handicap. Les personnes handicapées sont en moyenne 20 fois plus exposées à la dépression et au suicide. Or, ce n'est généralement pas à cause du handicap en lui même, mais bien souvent à cause des conséquences du regards des gens, du jugement, et de la non-acceptation du handicap par la société qui les entoure.

 

L'autisme n est pas une maladie, un caractère ou une excuse mais un handicap, au même titre qu'un paraplégique, un aveugle ou un manchot.

 

Alors ne l'oublie pas : je suis handicapée

 

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05/08/2016
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