The Blue World - My life with autism

The Blue World - My life with autism

Repas de Noël : entre bonheur et horreur

Aaaah les fêtes de Noël... bonheur, retrouvailles, famille, décorations, cadeaux... et repas. Comme d'habitude, je ne vais pas parler au nom de tous les autistes, car il est probables que certains arrivent très bien à gérer le repas de Noël - et tous les repas avec plus de 4 personnes à table en général - cependant, il est surtout vrai que pour la plupart des autistes, le repas de Noël est une épreuve très difficile à gérer.

 

Comment se passe un grand repas de famille (ou d'amis) pour vous, les neurotypiques. Vous êtes contents, vous allez enfin retrouver Tata Thérèse et Tonton Roger que vous n'avez pas vu depuis 2 ans, Papi et Mamie seront aussi présents pour gâter tous leur petits enfants, vous serez très heureux de préparer un repas pour 14 personnes et de discuter sur tout un tas de sujet différents au cours de la soirée. Vous mangerez votre repas au même rythme que votre débit de parole, vous ne penserez même aux coups de fourchettes et de couteaux que vous mettrez dans votre plat pour le finir. Vous allez parler, rire, avec autant de facilité que vous n'allez manger et boire.

 

 

Pour moi, qui suis autiste, le repas va se passer de manière un tout petit peu différente.

 

 

Explications en détails.

 

Comme vous le savez, mon autisme implique une hypersensibilité sensorielle. Hypersensibilité au bruit, à la lumière, aux odeurs, au toucher, au goût... Je vous laisse doucement imaginer à quoi peut bien ressembler un repas avec 14 personnes à table en prenant en compte toutes ses hypersensibilités.

 

On est à table. On est 14 à table. La table va doucement se diviser en 4 groupes de personnes qui vont toutes parler d'un sujet différent. Comme tout le monde veut s'entendre, tout le monde parle un peu plus fort à chaque fois pour couvrir le bruit de la conversation d'à coté. Chaque mot se mélange avec les mots de son voisin, les conversations deviennent inaudibles et je suis incapable d'en suivre 1 seule car mon cerveau capte tous les mots de toutes les conversations sans distinction. Viennent s'ajouter aux paroles les bruits des couverts. 14 personnes qui vont, sans le faire exprès, donner des petits coups de fourchettes et de couteau sur le rebord de leur assiette à chaque fois qu'ils vont couper un morceau de viande. Les couteaux vont crisser sur les assiettes en la coupant, les verres viennent taper la table à chaque fois quelqu'un finit de boire. Chaque gorgée de vin s'accompagne d'un petit "slurpss" discret, enfin discret d'il n'y en avait pas 1 tous les 45 secondes, car je le rappelle, nous sommes 14 à boire. La viande est mastiquée pendant au moins 38 secondes avant d'être avalée, les chips croustillent dans la bouche. Comble du repas, on a décidé cette année de manger une fondue bourguignonne. Oui c'est pratique quand on est 14, mais moi ça me rajoute encore le bruit de 3 appareils à fondue avec la flamme qui fait du vent, l'huile qui bout, les pic qui cognent contre le rebord en métal.

 

Mon cerveau capte chaque bruit qui se passe dans la pièce, distinctement, et vient détruire mes oreilles et me provoque un mal de tête sans que je ne puisse lutter.

 

Les odeurs se mélangent dans mon nez : la viande, l'huile, la flamme, l'alcool à brûler, les pommes de terres, le vin.

 

Les coudes de mes voisins qui viennent régulièrement taper dans les miens, le contact des belles fourchettes en argent avec des petites gravures le long du manche, la nappe spéciale Noël qui frottent contre mes bras. Sans parler de la tenue de de fête, une belle chemise qui me serre et m'oppresse, les chaussures qu'on doit garder tout le long du repas, on ne sait pas trop pourquoi d'ailleurs.

 

Et enfin, le clou du spectacle, les décos de Noël. Les guirlandes qui clignotent, les boules du sapin qui tournent et brillent de manière différentes en fonction de leur inclinaison. Les fourchettes qui reflètent les lumières de la salle à manger, pareil pour les montres.

 

 

On dirait que tout à été fait pour que ma soirée soit un calvaire. Et pourtant, quand j'observe ma famille, personne ne semble remarquer le moindre de ces éléments, personne ne semble perturbé par quoi que ce soit, tout le monde parle comme si de rien était, comme s'ils étaient actuellement dans une chambre anéchoïde et qu'aucun élément ne pouvait perturber leur repas.

 

Je vous laisse imaginer votre état si vous deviez supporter ce calvaire pendant 2h30 (oui car en plus de ça, les repas de fêtes durent 4 fois plus longtemps que les repas normaux). Je suis épuisée, je quitte la table avant le dessert et m'endors dans ma chambre en moins de 3 minutes (même pas besoin de mélatonine ce soir là !). J'ai dormi 12 heures, j'ai loupé la bûche et j'ai eu le droit à plein de petites réflexions de la part de Mamie, Tata, Tonton sur mon comportement inacceptable un soir de Noël. Il m'a fallu plus de 3 jours pour m'en remettre, comme à chaque fois qu'on fait un repas avec plus de 4 personnes à table. Pendant 3 jours, j'étais incapable de parler à qui que ce soit, j'ai passé mes journées seules dans ma chambre à essayer de récupérer. Je n'ai même pas eu la force de vous raconter directement mon repas, il m'a fallu vraiment tout couper. Je recommence seulement à reprendre contact avec le monde, et vous êtes les premiers à qui je reparle après cette épreuve digne des plus difficiles marathons.

 

 


 

Voilà ce qu'il se passe dans la tête d'un autiste pendant le fabuleux repas de Noël. Ne vous y méprenez pas, j'adore Noël, j'aime revoir mes cousins, partager, offrir des cadeaux. J'aime tout, sauf le repas, le monde, les discussions interminables. Ca peut paraitre paradoxal, je le conçois. Mais je vous avais prévenu, nous sommes des êtes vraiment complexe Langue tirée

 

 

8278729-Chiot-triste-avec-le-chapeau-du-p-re-No-l-en-attente-pour-No-l-Banque-d'images.jpeg



28/12/2016
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 18 autres membres