The Blue World - My life with autism

The Blue World - My life with autism

“Pourrais-tu m'expliquer brièvement ce qu'est l'autisme ?”

 

C'est la question que l'on m'a posé la semaine dernière. En réalité, on ne me l'a pas vraiment posée comme ça de but en blanc. La personne qui était curieuse de savoir, c'était mon employeur. Cela fait 2 ans que je travaille quelques heures par jours pour cueillir des fruits et des légumes chez un agriculteur pendant les vacances. Au départ, je ne l'avais pas informé de mon autisme. Sinon, c'était sûr qu'il ne m'aurait jamais embauchée ! Et puis, en le connaissant un peu plus, j'ai fini par lui révéler, car c'est un homme très ouvert d'esprit et très gentil. Cependant, on n'en a jamais parlé plus que ça ensemble. Il sait que je suis autiste, il sait que je peux parfois être très stressée pour certaines choses, mais c'est tout.

 

 

Il m'a donc posé la question, en étant un peu gêné. “Je ne sais pas si c'est très correct de te demander ça, surtout tu me dis si c'est trop indiscret, mais pourrais-tu m'expliquer brièvement ce qu'est l'autisme ?

 

 

Quoi ?! Tu me demandes vraiment si ça me dérange ? Mais ça fait des mois que j'attends que tu me poses cette question ! En effet, je n'attendais que ça... pour qu'il puisse mieux comprendre, pour qu'on puisse peut être améliorer certaines choses pour éviter que je ne stresse de trop... et surtout, pour qu'une personne de plus sur cette planète sache de quoi il s'agit ! Je ne lâcherai jamais mon combat pour que les gens connaissent ce trouble qui touche 1 personne sur 68 !

 

Et là, je me suis retrouvée un peu coincée : comment pourrais-je expliquer brièvement ce qu'est l'autisme, et surtout comment il me touche moi personnellement ? C'est si complexe ! On a donc pris 1h à discuter tous les deux, et même si cela m'a couté beaucoup d’énergie, je suis si heureuse d'avoir pu lui en parler !

 

J'avais donc envie de faire un article, pour expliquer aux gens qui se demanderaient ce qu'est l'autisme, sans que cela soit trop abstrait ou trop compliqué à comprendre, ni trop long à lire (bon déjà mon intro fait 4 paragraphes, je crois bien que je n'arriverai jamais à faire court !).

 

Je vais d'abord décrire comment l'autisme se manifeste chez moi, puis les conséquences que cela peut avoir sur mon quotidien, et ensuite comment vous pouvez m'aider à affronter cette vie si compliquée pour moi :) Chaque partie est indépendante alors si vous n'avez pas le courage de tout lire, n'hésitez pas à naviguer !

 

 

 

L'essentiel

 

  • Mon autisme ne se voit pas

Effectivement, il ne se voit pas quand je décide de ne pas le montrer (en public ou au travail par exemple). En revanche, cela ne veut pas dire qu'il n'est plus là ! Et il me handicape énormément au quotidien, même quand on dirait que tout va bien. J'ai un taux de handicap à 80%, ce n'est pas rien, ce n'est pas pour rien.

 

  • Il me coute beaucoup d'énergie

Pour réussir à le cacher (non pas parce que c'est honteux, mais parce qu'il faut être socialement intégré à la société), cela me demande des efforts constants. Si je suis 4h au travail, je dois penser, programmer, réfléchir à chacun de mes gestes, chacun de mes comportements pendant 4h non stop, pour réussir avoir la bonne attitude. J'ai donc la même réserve d'énergie que toi, mais la mienne s'épuise 4 fois plus vite. J'ai l'air fatiguée car je suis fatiguée.

 

  • Je ne suis pas un génie, mais je peux avoir des capacités supérieures aux autres dans des domaines bien précis

A ceux qui se poseraient la question, non je ne suis pas capable de calculer Pi jusqu'à l'infini, je ne peux pas non plus compter le nombre d'allumettes tombées par terre, je ne sais pas dessiner une ville entière après un survol en hélicoptère... Les autistes ne sont pas des génies à l'état pur. En revanche, nous avons des capacités d'apprentissage dans certains domaines bien précis, qui peuvent être supérieures à la moyenne. Par exemple, il me suffit de regarder une vidéo de surf pour directement réussir à faire le trick une fois dans l'eau. J'apprends très vite le surf, j'arrive à cueillir mieux que les autres mes courgettes et mes tomates, mais c'est tout. Pour le reste, je ne suis pas spécialement douée.

 

  • Je stresse

Tout le temps. Pour tout. Même quand à priori y'a rien de stressant. Un changement de lieu, un changement d'emploi du temps, un imprévu sur ma routine... et c'est l'angoisse totale. J'ai beaucoup de mal à gérer les nouveaux lieux. Par exemple, quand mon employeur me dis d'aller cueillir des légumes dans une serre où je n'ai pas l'habitude d'aller, ça me stresse totalement. Alors que je connais la serre, je sais où elle est, je sais ce que je dois y faire... mais ça m'angoisse. Car cela change de ma routine. Je vais relire 25 fois la consigne écrite, pour être sûre que je dois bien aller cueillir là bas. Pour être sûre. Et que cela fasse descendre un peu l'angoisse.

 


 

 

La sociabilité

 

  • Je ne suis pas asociale

C'est juste que je ne sais pas comment faire pour aller vers les autres (et que ça me stresse). Mais j'aime parler avec les gens, j'aime être intégrée à un groupe. Je ne suis pas sauvage, il me faut juste du temps, et il faut comprendre que ce n'est pas inné pour moi. Cela peut donc paraître maladroit, pas adapté, mais si quelqu'un me tend la main, c'est un grand soulagement, et c'est avec joie que je vais la prendre.

 

  • En revanche, j'ai souvent besoin de solitude

Bon là ça paraît paradoxal du coup, mais je vous explique : j'aime passer l'après midi à la fac avec des camarades, je n'aime pas être seule tout le temps. En revanche, après avoir passé 4h avec des gens, je suis totalement épuisée. A ce moment là, j'ai donc besoin de solitude, pour récupérer, pour me régénérer. Dans la semaine, j'ai donc besoin de jour off où je ne vois personne, tout simplement car je suis trop fatiguée pour pouvoir établir un quelconque lien social. Mais passer ma vie entière toute seule, même pas en rêve !

 

  • La difficultés des discussions

On me dis souvent que je suis quelqu'un de froid. Que c'est pas facile d'avoir une discussion avec moi. Effectivement, plusieurs facteurs font que c'est compliqué pour moi. Déjà car mon cerveau n'est de base pas programmé pour le social. Bon, c'est un fait, mais au cours des 19 dernières années j'ai appris à le developper tant bien que mal. Le plus gros soucis, c'est lorsque l'on me parle alors que je n'y étais pas préparée. Par exemple, quand je suis seule entrain de travailler dans ma serre et que mon employeur arrive, aaaah la c'est le drame, je n'étais pas prête ! Je ne m'attendais pas à ce qu'il arrive, je n'ai pas eu le temps de me mettre en mode social. La discussion me prend de court, et même si j'aimerais tout faire pour réussir, je suis incapable d'avoir une conversation digne, je réponds que par oui ou par non, je peux effectivement donc paraître très froide. J'aurais envie de parler plus, d'établir un vrai contact, mais en si peu de temps, c'est impossible ! Plus petite, quand ma mère m'emmenait au collège, il m'arrivait de lui dire sur la route « roule moins vite, mon cerveau ne s'est pas encore mis en mode social !! ». Ca résume à peu près tout ! Quand je suis prête, il y a moins de soucis, et j'arrive à peu près à gérer !

Le problème est encore plus fort avec les enfants. En effet, quand un adulte parle à un enfant, c'est à lui de s'adapter au plus jeune, il y a des règle sociales à avoir, on ne se comporte pas de la même manière avec un enfant qu'avec un adulte. Or j'ai déjà beaucoup de mal à parler avec les adultes, alors avec les enfants ce n'est même pas la peine...

 

 

Problèmes sensoriels

 

  • L'ouïe

J'entends trop. Tout les sons émis à l'endroit où je me situe sont captés par mes oreilles de manière égale. J'entends autant le son de ta voix que le bruit des voitures que les oiseaux qui chantent que le môme qui pleure au loin. Du coup, tout se mélange et au final je n'entends plus grand chose. Du coup, je lis souvent sur les lèvres pour comprendre. Et j'aime le silence.

 

  • La vue

Je suis photosensible. En extérieur, tu me verras quasiment toujours avec des lunettes de soleil. Quel que soit le temps, sauf en cas de gros orage avec un ciel tout noir, mes yeux sont éblouis par la lumière.

 

  • Le toucher

Je ne supporte pas le contact physique. Aujourd'hui, j'arrive à faire la bise et à serrer la main, mais ça s'arrête là. Et encore, te sens pas obligé de me saluer comme ceci, je me porterais beaucoup mieux avec un simple « Salut ! » qu'avec une bise !

 

  • Le goût et la texture des aliments

Je n'aime rien. A part une liste d'aliments très limitée, je ne mange rien. Soit car le goût ne me convient pas, soit car la texture dans la bouche est trop horrible à supporter. C'est donc compliqué de m'inviter à diner ou d'aller au restaurant.

 

  • Je ne sais pas décrypter les signaux de mon corps

Je mange car c'est écrit sur mon planning qu'à 12h30 je dois manger. Si ce n'est pas écrit, il m'arrive très souvent d'oublier. Car je ne ressens pas vraiment la faim. Ou en tout cas, c'est comme si j'avais parfois faim, mais que j'étais incapable de savoir ce que j'avais. Pareil avec la douleur, ou le chaud, le froid. Je sens une sensation, mais je suis incapable de dire ce qui ne va pas.

 

  • Je ne sais pas gérer plusieurs stimuli sensoriels en même temps

S'il y a trop de lumière, je n'entends plus. S'il fait trop froid, j'ai du mal à voir ou à entendre. Si tu me touche, je n'existe plus.

 

  • Je me sers de tous mes sens pour faire les choses

Nombre de mes collègues de travail écoutent de la musique en cueillant les courgettes ou les pommes. Moi, j'en suis totalement incapable. Car moi, je me sers de tous mes sens pour cueillir mes fruits et légumes. Aussi bien de mes yeux que de mes oreilles, que de mon touché, de l'odeur. Je me sers de tout, et c'est sans doute pour cela que j'arrive à faire le travail mieux et plus vite. Et c'est comme ça pour tout. Je repère plus vite les détails, grâce à l'utilisation de tous mes sens, qui sont en plus sur-développés.

 

 


 

Gestion des émotions

 

  • Je ressens tout plus fort

Je suis soit hyper heureuse, soit en colère. Je peux vraiment m’émerveiller devant des petites choses insignifiantes, ou ressentir beaucoup de bonheur à faire des choses à priori banales. Par exemple, au travail, j'aime énormément cueillir les pommes. C'est comme ça, je suis beaucoup trop heureuse quand je fais ça. Mon patron a du mal à comprendre, mais ça l'amuse, alors il me laisse cueillir mes pommes et être heureuse ! A l'inverse, des petites choses peuvent aussi beaucoup m'énerver, et je peux vraiment me mettre dans des états pas possibles alors qu'il n'y a rien de bien méchant

 

  • Je suis incapable de gérer mes émotions

Je pleure très souvent. De tristesse, de stress, de joie. Trop de stress ? Mes larmes coulent. Je suis triste ? Je pleure à gros sanglots. Je gagne une compétition de surf même minime ? Je pleure de joie. Je ne peux pas gérer. Si on parle et que d'un coup tu vois des larmes couler, ne t'en fais pas, c'est juste que cette conversation me stresse et que je n'arrive pas à retenir mes larmes ! Mais tout va bien, une fois que ça aura coulé, ça ira mieux !

 

 

Impact sur la vie quotidienne

 

  • J'ai 19 ans, et je ne suis pas 100% autonome

A cause de mon stress des nouveaux lieux, je ne suis pas capable de me rendre dans des nouveaux endroits. J'ai toujours besoin d'un parent, un amis, un proche qui m'accompagne. J'arrive à gérer mon quotidien (courses, repas, lave ligne, lave vaisselle) mais j'ai toujours besoin de quelqu'un pour me rassurer, faire baisser mon stress, m'accompagner quand c'est trop dur de faire les choses seule.

 

  • Incapable de téléphoner

La liste des personnes qui ont déjà entendu ma voix au téléphone est très réduite. Je ne suis capable de téléphoner que depuis 2 ans, et c'est seulement à ma famille proche, quelques amis, et mon employeur. Tout le reste, j'ai besoin que quelqu'un fasse à ma place

 

  • Epuisement constant

Chaque lien social me coute de l'énergie, du coup je suis tout le temps fatiguée.

 

  • Soucis de santé

Quand on ne sait pas qu'on a mal, on passe à coté de beaucoup de choses. Notamment le fait d'être malade, d'avoir une plait infectée, une brulure à soigner... Le stress engendre beaucoup de problèmes aussi (tension, cœur, asthme...). Sans parler des pré-dispositions qu'ont les autistes à avoir des maladies grave, rares, des problèmes neurologiques, gastro-entériques, à attraper tous les virus qui trainent, à tomber 20 fois plus que la moyenne dans la dépression voire le suicide...

 

 

 

Comment vous pouvez (voire, vous devez!) m'aider

 

  • M'aider à établir le lien social

Mais de manière concrète. Il ne suffit pas de me dire « Ah bah tien, va voir Philippe là bas, il pourra t'aider ! ». Ca, c'est même pas la peine tellement ça me stresse. Je vais être incapable d'aller voir ce Philippe. Même si ça peut paraître lourd, parce que j'ai 19 ans bordel, il faut venir avec moi. Il faut me présenter à ce Philipe. Lui expliquer en quoi il peut m'aider. Il faut établir le 1er lien entre lui et moi. Eventuellement lui expliquer les difficultés que je rencontre, lui dire que je suis autiste mais tout en essayant de ne pas l'effrayer (oui c'est compliqué je sais). Et ensuite, ça pourra aller.

Faire le 1er pas vers moi, car c'est extrêmement compliqué pour moi, voire impossible, de faire le 1er pas vers les autres. Surtout s'il est question de m'intégrer à un groupe déjà formé. Cela me rappelle les paroles d'une chanson écrite par une jeune artiste autiste

“ Car je veux bien t'aider à rentrer dans ma bulle

Mais c'est à toi d'aller vers moi, n'ai pas peur que je recule !”

 

 

  • Me décrire les choses de façon très précises

Là, ça s'applique surtout au monde du travail je pense. Il ne faut pas me laisser avec des consignes vagues (« va cueillir les courgettes là-bas »). Il faut me détailler, m'expliquer le pourquoi du comment avec précision. Ca ne prend pas beaucoup plus de temps, mais moi ça me change la vie. Car j'ai 0 confiance en moi, et un stress qui ne me quitte jamais. Ainsi, plus une chose est précise, plus je suis rassurée. Même des détails, qui paraissent évidents, insignifiants, il faut absolument m'en faire part.

« Tu vas aller cueillir les courgettes dans la serre B. La porte n'est pas fermée à clef, tu rentres, et tu verras sur le coté je t'ai préparé un bac. Tu prends ton sécateur comme d'habitude, et tu cueilles tout en commençant par la colonne de gauche. Il y a Martin et Charles qui sont déjà entrain d'y travailler. Quand tu as finis tu reviens me voir »

Ca ne prends pas beaucoup plus de temps, mais moi ça me permet de réussir, en évitant une crise d'angoisse, en pouvant gérer autre chose que la tâche en elle même (par exemple, me concentrer sur le comportement à avoir avec Martin et Charles, pouvoir leur parler, leur dire bonjour, les regarder dans les yeux).

Ne pas oublier aussi que je n'ai pas du tout confiance en moi, et que par conséquent je vais avoir beaucoup de mal à prendre des initiatives.

 

  • Privilégier l'écrit plutôt que l'oral

Que ce soit pour les choses à faire, ou pour les discussions qui peuvent être faites à l'écrit. Par exemple, m'envoyer un SMS en me disant ce que je dois faire m'aide beaucoup plus que de me le dire par téléphone, car le SMS je peux le relire plusieurs fois pour me rassurer. Et lorsqu'il s'agit d'avoir une discussion, je suis beaucoup plus à l'aide à l'écrit, car j'ai beaucoup de mal à gérer mes émotions. J'ai donc de grosses difficultés à avoir un discussion sérieuse sans fondre en larme à cause du stress. Dans la mesure du possible, parler par sms, mail ou messenger, pour les choses « sérieuses » est beaucoup plus gérable pour moi.

Après, il ne faut pas non plus me contacter uniquement à l'écrit hein, je suis quand même capable de parler, et il faut que je m'entraine à établir le lien social !

 

  • Ne pas attendre que je demande les choses

Si vous sentez que quelque chose me tracasse, et que vous savez à priori de quoi il s'agit, ne vous dites pas « elle va bien me le dire, me demander de faire ci ou ça pour que je l'aide ». Y'a à peu près 0% de chance pour que je le fasse. J'ai trop de mal à demander aux gens, à poser des questions. Encore une fois, si pouvez tendre la perche, faites-le, car y'a toutes les chances que ce soit exactement ce dont j'ai besoin.

 

 

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Bon, j'ai voulu faire court et au final c'est long, je m'y attendais un peu... pourtant, ceci est un résumé ! Si vous êtes curieux, beaucoup d'articles du blog reprennent un peu chaque point de manière plus détaillée, je vous invite donc à faire un tour ! Et encore une fois si vous avez des questions, n' hésitez pas par commentaire ou message privé !

 

Rapide tour du blog :

 

C'est quoi l'autisme ? : Commencer par le commencement

                                   Le SA, cékoiça ?

                                   Centre d'intérêts restreints

                                   Les détails

 

L'invisibilité de l'autisme : Ne l'oublie pas : je suis handicapée

                                       J'ai eu le coeur transpersé...

                                       Comment l'autisme impact ma vie : ce que vous ne voyez pas

                                                     "Tu as l'air fatiguée" : quand l'autisme épuise

Les difficultés sensorielles : Autisme : crise de surcharge sensorielle

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                                          Alimentation et autisme (et là, c'est le drame !)

 

 



08/06/2017
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